Mildney a vingt ans. Mais elle ne connait pas la date de son anniversaire. Cela la rend triste parfois, mais ce n'est pas l'essentiel.
Il y a donc vingt ans, un bébé emmitouflé dans son berceau de bois, avec comme seul élément de distinction un bracelet rudimentaire où étaient forgées les lettres MILDNEY, fut trouvé aux portes de l'Abbaye de Northshire. Qui d'abominable avait pu laisser cet enfant par un rude hiver aux couleurs de givre gîre là, devant ces lourdes portes en bois massif? Abominable ou malheureux. En tout cas, elle fut recueillie par les dévoués serviteurs de l'abbaye, nourrie et confortablement installée. Mais elle ne pouvait pas rester là. A contre-coeur, les fidèles durent se rendre à l'évidence: l'orphelinat de Stormwind serait un bien meilleur endroit pour l'accueillir, la chérire et aider à son développement personnel. C'est ainsi que presque un an après avoir été recueillie, la prêtresse Anetta enfila sa cape et marcha jusqu'à Stormwind, le bébé dans un linceul, collé contre sa poitrine palpitante afin de le remettre à l'orphelinat.
La directrice Nightingale fut ravie de recevoir cette enfant de un an déjà souriante, avec un air malicieux.
C'est ainsi que Mildney grandi dans cette capitale qu'est Stormwind, au milieu d'autres orphelins comme elle, des enfants abandonnés ou bien rejetés, dont les parents sont tombés au combat ou bien encore que des raisons économiques ne permirent pas d'élever.
Ses premiers souvenirs sont aux alentours de cinq ans. Turbulente, Anetta n'avait de cesse de lui coller au derrière. En classe, elle n'était pas très bonne élève, dissipée, rêveuse, elle passait plus de temps à regarder par les fenêtres les rayons du soleil qu'à écouter les préceptes de l'institutrice.
Ce qu'elle aimait c'était avec son ami Josio aller jouer à cache-cache dans la Cathédrale, tout près de l'orphelinat. Et il y avait le parc aussi. Ah ces fins d'après-midi des heures durant à se cacher dans les buissons, quitte à en ressortir toute égratinée, ces nuits folles où ils jouaient à se faire peur, se sautant dessus à l'improviste en criant "Je suis un orc, je vais te manger"!
Des années durant, Josio et Mildney étaient comme frère et soeur, chien et chat, amis, amoureux peut-être? Mais qu'est-ce que l'amour quand on a dix ans?
Et puis Josio tomba malade. Au début, cela n'avait pas l'air grave. Mais sa toux et ses maux de ventre s'amplifiaient chaque jour davantage. Mildney bien évidemment restait autant qu'il était possible à son chevet. C'est à ce moment qu'elle compris qu'elle pouvait soulager les douleurs par simple imposition des mains. En effet, il lui suffisait de poser ses paumes sur le ventre de Josio pour qu'une chaleur s'insinue dans ses mains et que le pauvre garçon se sente soulagé. Malheureusement, ces moments intimes de réconfort ne firent guère le poids contre la maladie dont était atteint Josio. Le garçon mourut à l'âge de douze ans, dans son lit, un dessin du visage de Mildney à la main.
L'épreuve était plus que tout au monde dure à accepter pour Mildney. C'est ainsi qu'elle alla se recueillir à la Cathédrale, se remémorant ses parties de cache-cache et toutes ces années durant lesquelles elle semblait heureuse, sans davantage se poser de questions. Pour autant, malgré sa tristesse immense, sa naiveté n'avait pas disparue. Impulsive, déterminée, loyale et bonne elle n'avait de cesse que de passer son temps à la Cathédrale. C'est là que la grande prêtresse Laurena la remarqua. Elle voyait tous les jours cette petite frimousse rousse âgée d'à peine douze ans assise sur les bancs durs comme du roc, les yeux fermés et les mains jointes. Elle priait, mais pourquoi et pour qui?
Un jour, elle s'approcha de la fillette, lui posa la main sur l'épaule et ressenti une énergie hors du commun des mortels. Elle avait à faire avec une consacrée de la Lumière, aucun doute n'était possible. C'est ainsi qu'elle se mit en tête de former Mildney à la voie des soins et de la Lumière.
Dès les premiers cours, les résultats furent perturbants. La jeune fille était sans aucun doute une soigneuse mais une sorte de rage intérieure semblait s'insinuer furtivement. Ainsi, un jour de sa quinzième année, elle fit apparaitre un tourbillon de flammes au milieu de la Cathédrale. Laurena resta bouche bée. Une telle puissance chez une enfant si jeune? Il ne fallait pas rater l'occasion. En même temps, pour sa sécurité, le secret devait rester de mise. Que de questions...
Mildney ne semblait pas bien se rendre compte de l'ampleur de ses pouvoirs. Pour elle tout cela était naturel, et elle ne voyait pas très bien ce que la Lumière venait faire là-dedans. Pourtant avec l'aide de Laurena elle appris à canaliser son énergie. Mais son caractère, en revanche, restait intact.
Joyeuse, impulsive, naive et mal fagotée elle continuait avec un intérêt grandissant les leçons de Laurena.
Puis vint sa majorité. Il était temps pour elle de quitter le doux foyer de l'orphelinat et le délicat confort de la Cathédrale pour se confronter à la réalité. Elle fut appellée à Goldshire après une émeute pour soigner les blessés. Elle y officia de manière grandiose en remettant sur pieds les plus handicapés. C'est à cette période que l'envie lui vint de faire de la couture. En effet, elle était souvent débraillée et ses robes en mauvais état, elle appris donc a les remettre en forme. C'était à présent une jeune et jolie jeune fille de dix neuf ans, rousse aux cheveux courts au carré, souvent ébourrifés, aux traits fins et au sourire avenant. Par contre sa maladresse naturelle la mettait souvent dans des situations cocasses. Il faut dire qu'elle aimait patauger dans la gadoue. Ainsi, en ville comme à la campagne, on la voyait souvent habillée élégamment mais dans le désordre le plus confus. Trous, tâches, tout se qui pouvait la décrédibiliser se reflétait sur elle. Mais elle s'en excusait, peut-être même s'en fichait-telle. De toute façon, depuis la mort de Josio, rien ne lui semblait important, sinon le fait de soigner les blessures du monde entier.
Elle n'y connaissait rien en histoire, elle n'avait pas eu de parents, son énergie juvénile était son seul moteur. L'abnégation au service des autres, voila pour l'essentiel. Avec le temps elle se fit un petit nom dans toute la région que dominait Stormwind pour son aide aux malades et aux blessés de guerre. La guerre parlons-en. Elle détestait cela. Elle n'était pourtant pas sans moyens pour se défendre, ses pouvoirs de destruction ayant évolué au fil du temps, mais elle trouvait tout simplement cela absurde. Pourquoi les races ne pourraient elles pas cohabiter pacifiquement? Ah, sa grande naiveté...
C'est ainsi qu'un jour, lors d'un déplacement à Darkshire elle tomba sur un parchemin froissé où il était question de paix entre les peuples et les races, qu'une communauté nommée la Ligue se préemptait face aux ravages de la lutte incessante entre l'Alliance et la Horde d'une sorte de paix durable et de pacte de non agression. Elle fit la démarche de se présenter au Magistère Azjaxandrin, chef de cette Ligue, et fut acceptée en ses rangs.
Depuis, elle parcourt le monde au gré de ses envies dans le but constant de soigner les plus affaiblis et les plus pauvres, avec son allure si particulière et sa naiveté native qui font d'elle une personne dont on se moque mais que l'on supplie quand la dernière heure est arrivée.
Elle s'en moque, ce qu'elle fait, c'est pour Josio qu'elle le fait. Si elle n'a pas pu le sauver, elle pourra en sauver bien d'autres.
