Allongé sur les pierres chaudes du bassin d'Elune, je regardais le vent jouer avec les branches des arbres du Parc. La nuit était tombée doucement sur Hurlevent et il n'allait pas falloir tarder à rejoindre l'auberge. Battant l'air de la queue en signe d'impatience, j'attendais Moystia qui était partie livrer ses ouvrages de cuir à la boutique de tanneur de la vielle ville. Là bas, les rues étaient étroites, odorantes et sombre et j'évitais autant que possible de m'y aventurer.
Les minutes s’égrainaient et mon impatience laissent petit à petit place à une inquiétude. Pourquoi n'étais t'elle pas déjà là? Était ce si long pour un bipède de parcourir quelques rues quand la lumière baissait? Après tout leur yeux étaient peu affûtés et si facilement aveuglés...
Fermant les yeux, j'étendais ma conscience sur notre lien psychique cherchant un signe de sa présence. La nuit ne me renvoyait rien d'autre que son murmure quand un cri silencieux déchira mon esprit: quelque chose n'allait pas!
D'un bond, je m'élance dans les rues sombres, bousculant sur mon passage les passants, leurs chariots et les restes de l'activité de la journée. Seul m'importe la piste de Moystia et aucun bipède n'est assez fou pour se mettre en travers de ma course folle. L'appel à l'aide se fait plus clair et m’amène dans une ruelle fermée d'un côté d'un lourd portail de bois. Contre celui ci se trouve Moystia, plaquée sur le planches par trois gaillards puants armés de dagues. Face à elle, un quatrième fouille tranquillement dans le sac de Moystia, glissant sa bourse dans sa poche. Leur chef de toute évidence...et la première victime de ma rage.
En m'abattant sur eux je ne leur laissait aucune chance, j'avais l'avantage de l'agilité, de la taille dans cet espace restreint et la nuit était mon alliée. Mes sens étaient plus aiguisés et mon pelage sombre rendait difficile ma localisation. Le chef péri le premier dans un déluge de griffes et de crocs, immédiatement suivi par celui dont la dague marquait la gorge de Moystia. Les deux autres, fidèles au courage de leur espèce, s'enfuirent par le portail de la cour. Je les poursuivi d'un simple rugissement, les mettent au défi d'oser une seule fois de plus porter la main sur mon familier. Les survivants sont le meilleur moyen de s'assurer que le message est passé et qu'a l'avenir je serais crains parmi les malfrats.
Un sanglots de Moystia me fit quitter ma pose fière. A genou au sol près de sac, elle cherche à rassembler ses possessions en évitant de regarder les corps mutilés de ses agresseurs. Le visage marqué d'une entaille, la chemise déchirée au niveau de la poitrine, elle semble dans un état second. Ses yeux n'arrivent pas à se détacher des visages crispés de mes victimes, de leurs yeux sans vie exprimant encore la douleur et l'horreur.
"Ça n'est pas bien différents des bêtes que l'on mets à mort d’habitude Gamine, un peu plus sale j'en conviens mais ils se comportaient comme moins que des bêtes, ils ne méritent ni ton respect ni ta tristesse".
D'un coup de langue, je nettoie la plaie de sa joue, serrant son corps dans ma fourrure jusqu’à ce que sa respiration redevienne calme et régulière.
"N'oublie pas ta bourse, il l'a dans sa poche.. et prend la sienne aussi... qu'on mange chaud ce soir!" Poussant Moystia du museau je lui indique la sortie de la ruelle.
"Tu t'es fait prendre au piège comme un chaton, ça me rappelle quelqu'un..." Amusé, je laisse échapper un grognement "disons qu'on est quitte cette fois".
A ces mots, le visage de la jeune elfe s'illumine d'un sourire: "Comme quand on s'est rencontré! Ça veut dire que c'est toi mon familier maintenant?" Moystia place sa main sur mon crane en riant alors que je laisse échapper un grognement de dépit.
"On est quitte! Amis,compagnons, égaux si t'y tiens... je ne suis le familier de personne!"
Ce soir là, nous avons dîné d'un repas chaud à l'auberge puis, enroulé dans la couverture devant le feu partagé le rêve d'une autre soirée dans les bois.Et pour la première fois, ma conscience s'est mêlé à la sienne et je pu voir l'histoire à travers ses yeux et ses pensées.
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L'aube se lève à peine sur le village forestier ou je vis depuis toujours. A mon age, je devrait être encore au lit, me préparant à une journée d'école. Mais depuis que la maladie à emporté mes parents personne ne se soucie trop de moi. Je n'aime pas l'école et ses journées ennuyantes et, tans que je me rends utile, les villageois ferment les yeux sur mon manque d'éducation.
Comme beaucoup de matin, aujourd'hui sera dédié à la chasse. Le maître chasseur du village accueille toujours avec plaisir mon aide pour porter la venaison et dépecer les peaux utiles au tanneur.
La piste de la journée nous mène sur les traces d'un grand cerf, à travers les sous-bois à peine éclairés par le soleil. Tapie en silence derrière mon instructeur du jour, mon attention est attiré par des grognements venant d'une combe en contrebas. M'approchant du bord escarpé, je jette un œil sur la scène qui se déroule au fond du gouffre:
Un félin sabre-de-nuit, rayé de noir et blanc se débat dans un piège de liane. Le bord opposé de la combe, formé d'une boue épaisse, à glissé au fond entraînant l'animal dans sa chute. Au vu des marques de griffes sur les racines apparentes, celui ci a tenté de se rattraper à la végétation mais à été entraîné par la coulée de boue et s'est retrouvé totalement empêtré dans les lianes. Presque épuisé il essaye de couper les liens qui enserrent ses pattes à coup de griffes et de crocs, sans succès.
"Il faut l'aider Maître!" Je me retourne vers le chasseur les yeux plein d'espoir. "Prêtez moi votre couteau et je descend couper les lianes, il ne pourra pas tout seul!"
Le vieux chasseur lance un regard dur sur l'animal puis tourne le dos.
"Si il est trop faible pour se libéré alors il ne mérite pas de vivre, regarde ses moustaches qui blanchissent, il est vieux et son heure est venue. Avance Moystia, tu me fais perdre mon temps!"
"Mais maître! Il n'est pas si vieux! Et il est coincé, ça n'est pas une preuve de faiblesse, ça arrive à tout le monde! On ne peux pas le laisser mourir de fatigue et de faim juste parce qu'il a marché dans de la boue pas stable! Il faut... aie"
Le coup me surprend et me fait monter les larmes aux yeux. Le vieux chasseur, impatient, viens d'exprimer son point de vue d'un coup sec de son arc dans mon dos.
"Debout gamine, porte mon sac, cours plus vite et tais-toi! Tu devrais déjà être heureuse que je te laisse m'accompagner! Qu'on ne reparle plus jamais de cet animal".
Jamais je n'étais rentrée au village si triste. Arrivée gelée, trempée par la pluie et le cœur brisé, j'avais rejoint mon lit pleine de colère envers le chasseur. C'était injuste, ça n'était pas à lui de choisir qui a le droit de vivre! C'est pas comme à la chasse ou l'on tue pour se nourrir, là c'était cruel! Injuste! Orgueilleux de sa part!"
Cette nuit là, il fut impossible pour moi de trouver le sommeil. Les yeux apeuré du félin ne quittaient pas mon esprit et ses grognements semblaient m'appeler à l'aide... Prenant la meilleure décision de ma vie, je quittais mon lit, enfilait mes bottes de cuir et filait de la maison, un poisson volé dans la besace et le couteau du chasseur à la main. Il ne fut pas facile de retrouver seule mon chemin dans la forêt et la nuit était très avancée quand j'atteignis enfin la combe. L'endroit était totalement silencieux et l'angoisse m'accabla d'un coup.
"Non! Il fallait tenir encore un peu, je suis là! Je vais t'aider!
D'un bond, je me laisse glisser sur la boue pour descendre au fond du gouffre. Le félin est toujours là, immobile, les pelage taché de boue et de sueur.
"Tu ne peux pas être mort! Ça ira, on va s'en sortir"
Posant mon visage contre la truffe de l'animal, je sens au creux de ses narines un souffle faible, mais présent! Ni une ni deux, je bondis vers ses pattes pour trancher les liens qui le retienne dans la boue. Mes mouvements semblent réveiller l'animal dont le premier réflexe est de se relever d'un bond, grognant ses immenses crocs à quelques centimètres de mon visage.
Apeurée, je recule d'un pas avant de sortir lentement le poisson de mon sac et de le poser au sol devant lui.
"Je suis venue t'aider, et je t'ai amené à manger! Tu aimes le poisson?"
Le félin retient son grondement, baisse lentement la tête puis approche la truffe de ma main. Rassemblant mon courage à deux main je pose celle ci contre le museau chaud de l'animal et soudain, une présence rassurante envahie mon esprit, formant comme des mots silencieux.
" Tu es Akylios et tu veux m'adopter? Non, l'autre bipède n'est pas vraiment mon maître, je suis toute seule, je n'ai pas vraiment de famille. Oui, tu peux m'adopter si tu veux, je peux t'aider à chasser..."
Ce jour là, en rentrant au village accompagné de mon nouvel ami, je scellait à jamais mon destin. A la vue d'Akylios, le maître chasseur entra dans une colère folle. J'avais apparemment défié son autorité et alors que son bras se levait pour abattre sur moi sa sentence, mon nouvel ami bondi d'un coup et marqua son bras d'un coup de griffe sanguinolent. Pour cet affront, je fut sommé de mettre à mort l'animal ou d'être chassé du village. Il ne me fallu que quelques minutes pour rassembler mes maigres possessions, dire adieu à ceux qui m'avait vu grandir et entamer une vie d'aventures au côté d'Akylios.