Disparition

La Boutique était rutilante. Fatiguée mais contente d'elle, Nicole jeta un œil sur son travail. Des semaines qu'elle n'ouvrait pratiquement plus boutique, calfeutrée dans son laboratoire lorsqu'elle était à Ironforge, ce qui, il faut bien le dire, n'arrivait pas très souvent. La collecte de composants, que ce soit pour ses propres projets ou ceux qu'on lui confiaient, l'accaparait presque entièrement. D'autant que certaines demandes inhabituelles reçues dernièrement piquaient au vif sa curiosité pourtant déjà facilement excitée.

Aussi, la petite boutique (car oui, au risque de manquer d'originalité, tout était petit ici... sauf le grand lit) était devenue poussiéreuse, voire sale, et le capharnaüm encombrant les étagères était devenu digne de celui d'une masure de sorcière au fond des bois. Et que la garde des expériences en cours ai été laissé à un diablotin n'arrangeait rien.

Mais ce soir, Nicole attendait la visite de son amie Silwenne. Hors de question de paraître négligée, et si elle venait, elle avait surement une idée en tête (en plus du cadeau mystérieux avec lequel elle repartirait), aussi il leur faudrait peut-être de la place pour s'installer et discuter confortablement. Elle avait fait un joli paquet cadeau pour emballer la commande "spéciale" que son ex, Meng, avait créé pour Sil. Il l'attendait sur le comptoir, un petit ruban vert autour d'un papier mauve, sur lequel était simplement écrit "Pour Silwenne. Privé".

La petite gnome avait donc passé toute la journée à ranger, épousseter, nettoyer... Enfin, elle et tous les serviteurs qu'elle était capable d'invoquer, car il y avait du travail pour tous. Mais après plusieurs heures, elle les avait tous congédiés, la soirée étant à peine débutée, pour préparer quelques petits plats à grignoter, au cas où elles seraient d'humeur.

Elle choisissait les alcools adéquats quand elle entendit la clochette de la porte d'entrée. Se retournant en souriant, une bouteille de rhum réservée aux grands soirs à la main, elle dit:

"On avait pas précisé l'heure, mais j'ai bien fait de me préparer à t...."

Elle s'interrompit, car devant elle se dressait non pas la belle silhouette de son amie à la mise un peu garçonne, mais celle bien plus masculine d'un gaillard beaucoup moins bien fait de sa personne. Édenté, balafré au point de ressembler à la création d'un nécromant, homme la toisait, le regard vicieux, un sourire mauvais aux lèvres.

"Tu attendait quelqu'un d'autre, petite ?" dit-il en refermant la porte derrière lui.
"Peut-être un homme de Shaw ? J'ai eu vent de tes cachotteries, il n'est pas le seul à avoir des contacts, tu vois ?" Il tira les rideaux, retournant l'écriteau sur la porte, de sorte qu'on y verrait "désolé, nous sommes fermés" de l'extérieur.

Un instant plus tard, la lumière extérieure, puis intérieur, de la boutique s'éteignit.

La pauvre Sil risquait fort d'attendre longtemps devant la porte close, ce soir....

"Alors, qu'en pensez-vous ?"

Le maître espion Mathias Shaw croisa les mains sur son bureau, attendant la réponse de son invité. Il n'aimait visiblement pas en venir à utiliser des agents extérieurs à ses services, mais la situation diplomatique s'étant passablement compliquée, il avait peu de choix. Et puis, il se sentait un peu responsable. Son interlocuteur, le visage de marbre (au propre comme au figuré, car sa peau était grise comme la pierre), hocha la tête.

"Si je fais ça pour vous, serons-nous quittes, cette fois ?"

Il faisait allusion aux différentes peines de prison prononcées contre lui et  laissées en suspens, et dont le SI:7 faisait régulièrement usage pour "l'inciter" à travailler pour lui. Comme Olaf, dit Grise-lame,  le disait souvent, on ne fait pas d'omelette aristocratique dans briser les œufs de quelques nobles. Et cela avait un coût, le plus souvent en poursuites judiciaires sans rapport avec les faits reprochés, mais quand on marche sur les plates-bandes de notables corrompus, il faut s'y attendre...

"Absolument. Les faits reprochés à la Grise-Lame seront oubliés, les procédures classées sans suite. De plus, cette fois, nous vous paierons vos émoluments habituels pour l'élimination d'une cible sensible, et un bonus pour son otage."

Shaw semblait avoir craché cette dernière phrase comme si elle avait un arrière goût déplaisant. Le nain aux yeux de braise (encore une fois, au propre comme au figuré, car ils étaient d'un rouge profond) leva un sourcil interrogateur.

"Voilà qui serait une première. Vous devez beaucoup tenir à cette apothicaire, de toute évidence. Mais n'oubliez pas que je ne garanti pas sa survie, même si vous me payez. Mon boulot, c'est avant tout la cible."

Le maître espion le fusilla du regard "Je connais très bien votre spécialité. Faites-moi la grâce de ne pas oublier la mienne."

il marqua un petit temps d'arrêt, puis reprit.

"Inutile d'essayer de négocier une rallonge, je sais très bien que vous la connaissez. Elle fait partie de vos amis, et ils sont suffisamment peu nombreux pour que vous voliez à son secours sans en tirer profit, alors laissons là les faux-semblants, voulez-vous ?"

Quelques minutes plus tard, Olaf Cendrebarbe sorti de la petite maison qui servait de QG au SI:7 à Ironforge, relativement satisfait de son rendez-vous.

"Nicole, je sais pas comment tu t'es fourrée dans ce guêpier, mais il va falloir qu'on renégocie notre accord, après ça" Pensa-t-il avec un sourire.

"Comment en est-t-on arrivé là ?"

Pour la centième fois aujourd'hui, l'ambassadeur se posait la question. Des années entières de tractations secrètes, de flatteries ineptes, de sacrifices importants... Et tout ça pour risquer de finir emprisonné, ou même exécuté comme un vulgaire coupe-jarret ? Cela ne pouvait être en train de lui arrivé, pas à lui.

Une fois encore, il vérifia que ses gardes du corps était bien postés derrière sa porte. Oh, bien sûr, on lui avait attribué toue une bande de maraudeurs humains, ils attendaient au rez-de-chaussée, buvant son vin et terrorisant ses domestiques, mais , bien entendu, il ne leur faisait pas confiance, si ne n'est pour une enfoncer une dague dans le dos en cas d'arrestation par les autorités. Car leur chef redoutait bien plus des aveux de sa part que le courroux de toute la nation Sombrefer, ça ne faisait aucun doute.

Le roi Thaurissan aurait sa tête s'il venait à fuir Ironforge sans avoir mené sa mission à bien, et maintenant, cette dernière était dépendante d'un personnage puant (comme tous les humains d'ailleurs, selon lui). Tout le travail accompli pour gagner la confiance de ses cousins allait être annihilé sur un coup de dés. Dans le meilleurs des cas, si l'attentat réussissait, et qu'il survivait au courroux des Bronzebeard, il devrait retourner vivre sous le mont rochenoire, avec le reste de sa famille, où il redeviendrait le sixième fils d'une maison mineure. Jamais plus de courbettes devant lui, jamais plus de bons dîners en charmante compagnie, fini également le confort des appartements de délégation qu'il occupait depuis des mois. Et tout ça... s'il survivait seulement aux assassins que le SI:7 avait probablement mit sur leur trace...

Pris d'une bouffée d'angoisse, il ouvrit la fenêtre donnant sur la place de la grande forge, pour faire entrer un peu d'air dans la chambre confinée. On ne saurait parler d'air frais sur cette place, la chaleur étant de tout temps très forte, mais les courants chauds lui firent tout de même du bien. En contrebas, un enfant vendant des poissons frits renversa un brasero en manipulant gauchement son petit chariot, provocant cris et agitation chez les nombreux passants. L'ambassadeur sourit devant ce spectacle, ne remarquant pas la dague qui se glissait sous son cou.

"Recule lentement, mon ami. Et pas un mot." Lui susurra une voix rocailleuse dans le creux de l'oreille.

Le nain, dont la tenue se confondait parfaitement avec la couleur du balcon de pierre, avait dû attendre longtemps caché au-dessus de la fenêtre, que son propriétaire finisse par l'ouvrir. Se glissant sans bruit dans la chambre, en maintenant le fil de la lame sur la gorge de son hôte, il repoussa les battants de la fenêtre, et le fit s’asseoir sur le lit. il abaissa son masque de cuir, pour qu'il voit son visage autant que pour lui permettre de chuchoter, leurs nez se touchant presque. L'ambassadeur ne put éviter un hoquet de surprise, de la sueur perlant à son front.

"Je vois à ton regard que tu m'a reconnu. Je dois être victime de ma notoriété chez les Sombrefer, je suppose. Bien, cela rendra les choses plus rapides. Je vais être clair, et tu vas répondre sans un mot, si tu ne veux pas figurer à mon tableau de chasse: Où est-il ?"

"Comment ça, repoussée ?"

L'homme était grand, trapus presque autant qu'un nain. Son visage n'avait jamais été beau, mais depuis des événements dont il ne disait jamais rien et qui datait de plusieurs années, des balafres le parcourait, le rendant effrayant . Il lui manquait aussi plusieurs dents, et ses cheveux étaient presque entièrement brûlés. Ajouté à sa carrure et son armure hérissée d'os, l'ensemble était assez terrifiant. Et cela lui plaisait bien, à la vérité.

"C'est ce que l'ambassadeur a dit, chef. La visite de la délégation de Stormwind risque d'être repoussée à cause du... heu... "climat anxiogène" qui règne à Ironforge ces temps-ci". Le messager n’était pas à la fête. Il faut dire que ce rôle était souvent risqué avec Blackjack, qui avait une fâcheuse tendance à frapper ceux qui annonçaient de mauvaises nouvelles (quand il ne faisait que les frapper).

Jack Blackwing se leva, écrasant de sa présence celui qui osait contrevenir à sa volonté... ou du moins annoncer un contre-temps. "Ce couard va faire capoter notre affaire, je le sens." A ces mots, deux de ses hommes empoignèrent le messager, dégainant leurs lames. Blackjack sourit. "Pas lui, crétins, l'ambassadeur." Tous trois, et on s'en doute, surtout ledit messager, se détendirent alors.

Tournant le dos à ses hommes, qui y virent un ordre tacite de le laisser seul (ou bien profitèrent de l'occasion pour ne plus être dans la même pièce que leur chef mécontent), il scruta la carte épinglée sur le mur de son bureau, et qui représentait Azeroth.

"Il faudra l'éliminer avant la fin de cette histoire, ce bougre de nain est décidément trop faible pour nos plans." Pensa-t-il lugubrement. "Le Maître aura sa tête comme trophée dans le pire des cas, cela devrait suffire à garantir ma survie si le plan échoue." Il caressa nerveusement son crâne couturé et brûlé, pensif.

Il sorti de ses appartements, et se dirigea vers les geôles. Il ne daigna pas répondre à ceux qui le saluaient à son passage, perdu dans ses pensées. Arrivant devant le donjon, le garde lui ouvrit sans un mot, ayant apprit à ses dépens à ne pas importuner l'hôte de son roi. La porte de la cellule s'ouvrit, déversant un flot de lumière douloureuse pour son occupante laissée dans le noir depuis plusieurs jours. Des bracelets d'entrave lui enfermant les mains, c'est à quatre pattes qu'elle devait se nourrir, ajoutant l'humiliation au poids des souffrances subies. Les vêtements souillés, elle clignait des yeux, des larmes (dues à la lumière, sans doute) creusant des sillons sur son visage crasseux.

"Alors, petite Flamelle. Sommes-nous prêts à reprendre le travail ?" Ricana Blackjack.

*HRP*            

 Event IG clôturant cette petite histoire prévu Dimanche 12. 4 personnages lvl 50 minimum disponibles pour la première partie de l'event (qui se déroulera en partie à BDR). La seconde partie se fera à Ironforge, Tous ceux qui veulent venir sont les bienvenus

Personnages pressentis pour le moment: Sylwenne, Lysera, Melan, Bryndell (pour la première partie)

*HRP*

Au besoin, je suis volontaire pour secourir la gnomette qu'on aime!

"Et vous êtes sûre que la piste d'ombre menait aux appartements de l'ambassadeur ?"

Minerva avait mit environ 5 secondes, après avoir quitté les autres, pour décider d'aller tout de même voir la garde d'Ironforge.

Certes, ils étaient convenus que cette dernière ne leur serait d'aucun secours, étant donné la tournure politique que prenait leur enquête. L'ambassade Sombrefer étant mise en cause, et les relations étant tendues entre Ombreroche et Ironforge (oui, même en guerre, il y avait des contacts entre les deux nations), il était probable que les autorités ne pourraient, ou ne voudraient rien faire.

Seulement voilà, Minerva avait été le Sergent Lockwood la plus grande partie de sa vie, membre émérite de la garde d'Alterac, et ne pas en référer à ses homologues nains était tout bonnement impensable pour elle.

Aussi, elle était devant le Capitaine Brisenclume depuis deux bonnes heures maintenant, lui racontant par le menu leurs doutes et leurs certitudes sur la disparition de Nicole Annabelle Flamelle, apothicaire de son état. Il avait pour sa part, après quelques doutes bien légitimes, consentit à prendre cette histoire avec le sérieux qu'il convenait, et avait fait appel à un expert en affaires magiques agréé pour authentifier le témoignage.

"Bien, c'est une affaire sensible, comme vous me l'expliquiez vous même. Mais je vais vous montrer que je compte bien faire la lumière sur tout ça, en vous donnant une information: un convoi diplomatique a quitté Ironforge le soir où vous me dites que votre amie aurait disparu. Outre l'heure tardive, nous avons remarqué qu'il était escorté par des mercenaires humains, la compagnie Blackwing. Cette dernière a piètre réputation, on la surveille de près habituellement, pour moi c'est juste des coupe-jarrets sans honneur ni manières. En revanche, il n'y avait aucun gnome avec eux d'après la main-courante. Bien sûr, elle n'aurait pas été difficile à dissimuler." Brisenclume referma le lourd volume qu'il lisait, l'air soucieux. "Toujours d'après ceci, dit-il en posant la main sur la couverture de cuir, leur destination était Ombreroche, sous la montagne Rochenoire." conclu-t-il d'un air navré.

Minerva acquiesça, leur doutes étaient fondés, elle devait avertir les autres et prendre contact avec les postes de garde qui avaient dû suivre leur progression à travers les territoires alliés jusqu'à, probablement, la porte sud du Loc Modan. Elle se leva et prit congé du Capitaine.

                                                                        ***

Rentrant chez Bruuk, son logeur, elle s'arrêta pour écrire un message relatant brièvement ses découvertes, en trois exemplaires, qu'elle fit porter par coursier rapide à Sylwenne, Melan, et Lyzera. Puis, elle fit son paquetage et régla sa note, bien décidée à prendre un peu d'avance pour confirmer le parcourt du convoi plénipotentiaire Sombrefer. Elle sellait son cheval à l'écurie quand celui-ci eût un mouvement nerveux.

"Là, du calme mon beau, tout va b..."

Elle vit l'éclat du métal se refléter dans son bouclier, toujours lustré comme seul un soldat de carrière continue à le faire, même des années après avoir quitté le service régulier de son régiment. Se jetant en arrière, elle évita de justesse l'épée qui lui aurait proprement désolidarisée la tête de ses épaules si le coup avait porté. En une roulade, elle fît face à son adversaire, l'épée déjà en main.

"Rapide, la vieille !", cracha ce dernier en sortant complètement de l'ombre de la stalle voisine. Un gamin, se dit la guerrière, pourtant en mauvaise posture, son cheval nerveux sur le flanc, le bouclier toujours accroché à sa selle, et le dos contre la paroi de l'espace étroit. Comme un serpent, il frappa, dégainant de la main gauche une dague effilée, et tentant de la lui planter dans l'aine.

Mais comme beaucoup de jeunes combattants, il avait sous-estimé l'expérience de la duelliste, qui esquiva l'épée et para la dague de la sienne, puis, dans le même mouvement, l’entraîna dans une danse presque sensuelle, échangeant leurs places. La monture, qui ne ne le connaissait pas, fit un pas de côté, obligeant l'assassin à en faire autant, lui interdisant d'esquiver l'attaque d'estoc portée par la femme qui avait anticipé toute la scène. Son épée enfoncée dans le cœur du jeune homme, elle lui murmura un "première et dernière erreur, petit", qu'il n'entendît pas, car il était mort avant de toucher le sol.

Entendant des pas derrière elle, elle empoigna son bouclier, mais ne pût stopper les quatre carreaux d'arbalète qui la prirent pour cible simultanément. L'un d'eux se ficha dans son épaule, la clouant à la selle de son palomino, heureusement pour lui renforcée. Un autre transperça sa cuisse, son armure ne protégeant pas le côté de cette dernière.

Elle lâcha son épée, cherchant à ôter le trait qui lui l'empêchait de bouger. Les tireurs firent leur apparition, deux d'entre eux déjà occupés à recharger leur arme, tandis que les autres savourait leur victoire, indifférents au sort de leur condisciple au sol.

Le plus proche, souriant, poussa du pied l'épée de leur cible, se mettant devant elle. "Tu avais plus de ressources qu'il l'avait prévu, dit-il en désignant du menton le jeune homme mort, mais ça fait de moi le nouveau chef de groupe, alors je dois te remercier, fouineuse."

Minerva soufflait bruyamment, la main crispée sur le carreau d'arbalète, le bouclier tenant à peine au bout de son bras blessé, les yeux baissés en signe de soumission. Elle avait dansé cette partie tellement souvent, que c'est sans même regarder son adversaire, qui s'avançait encore, se plaçant judicieusement elle et les tireurs, elle canalisa son énergie.

"C'est presque dommage, tu es pas si vilaine malgré ton age, on pourrait s'amu..." La tranche du bouclier fracassa son menton et ses dents, pendant qu'elle brisait le carreau de son autre main. Repoussant l'homme qui se tenait le visage à deux mains, elle s'empara de la dague qui pendait à son coté, laissant le corps du malheureux encaisser les deux traits de ses compagnons. Du même mouvement, elle lança la dague dans la gorge du troisième larron, serra les dents quand son appui de la jambe gauche la fît affreusement souffrir, mais ne ralenti pas, percutant le tireur de gauche de son bouclier tout en désarmant celui de droite en attrapant son arbalète qu'elle lui arracha dans un cri de rage, pivotant sur sa jambe valide pour chuter sur lui, assénant coup après coup la tranche du bouclier sur son visage.

Quelques instants plus tard, Bruuk arriva dans l'écurie, et seulement alors elle consenti à arrêter de frapper  ses adversaires, qui étaient morts depuis longtemps.

Minerva était déçue.

Son état actuel (convalescente, avec en plus ce capitaine Brisenclume qui ne voulait pas cesser de surveiller sa porte comme si elle avait besoin d'un garde-chiourne) ne lui permettrait pas de participer à la mission de sauvetage. Sa jambe, en particulier, nécessitait du repos. Mais en ce second jour de repos forcé, elle avait reçu une lettre qui lui donnait envie d'arracher bandages et fils, de prendre son épée et foncer repeindre le Mont Rochenoire à grand renfort de sang de mercenaire Blackwing.

Sergent Lockwood

Je sais que vous faites partie du groupe d'amis de Nicole qui la cherche. Mes propres recherches m'ont mené au Mont Rochenoire, où, comme vous le savez, j'ai déjà eu un certain succès. Toutefois, les Blackwing et leur capitaine ont visiblement renforcé les défenses de la ville avec des contre mesures qui ne me permettront pas d'agir seul, cette fois.

Si vous voulez sauvez notre amie commune, retrouvez moi aux portes de la ville Sombrefer ce soir, et emmenez avec vous ceux de vos amis qui ne craignent pas de se mettre en danger.

Olaf Cendrebarbe

Elle relut une dernière fois le message avant de demander qu'on envoie des coursiers pour aller chercher ses compagnons de recherche.

"Blackjack, encore lui. Les dieux soient maudits, je ne peux même pas aller trancher sa sale trogne moi-même, cette fois" Pensa-t-elle avec colère.

Le voile d'ombres se déchirait lentement.

La lumière était douloureuse, après tout se temps passé dans l'obscurité. Le souvenir des coups, des humiliations, des tortures noyait les sensations. Rêvait-elle ?

Une fois la certitude acquise que toute évasion lui était impossible, elle avait espéré qu'il viendrait. Il la sauverait, et elle en profiterait pour lui dire à quel point elle l'aimait. Dans ce fantasme, il réalisait qu'elle lui manquait et ils partiraient de cet endroit maudit comme un couple de comte de fées...

Mais il n'était pas venu. Alors même qu'après son corps, son esprit était brisé, il n'était pas venu. Ensuite, ils avaient voulu qu'elle travaille à ce projet, encore. Ils l'avaient amadouée. Après les tortures, la promesse de récompenses... un bain, un repas chaud, des soins... Leur voix susurraient à ses oreilles.

La prenaient-ils à ce point pour une démoniste de second ordre ? Pensaient-ils vraiment qu'elle n'avait jamais eu affaire aux tentations ? Bande d'idiots... Elle avait joué le jeu de la femme brisée... enfin joué... Brisée, elle l'était bien. Après avoir résisté juste ce qu'il fallait pour être crédible, elle avait accepter de travailler, espérant qu'avec les mains libres elle arriverait à tromper ses gardiens.

Mais ses réserves de mana étaient systématiquement pompées, ses membres entravés, son esprit embrumé par leurs drogues. Oh, elle avait bien tenté de concocter un antidote en cachette, mais elle était surveillée par un alchimiste Sombrefer. Il était juste assez compétent pour ne pas se faire leurrer,  incapable de reproduire son travail, mais sachant identifier les réactifs utilisés...

Elle avait donc abandonné l'idée de s'enfuir. Mais pas celle de résister. Car peu importait leur but, il était forcément maléfique. Alors, elle fît ce qu'elle faisait de mieux (après les blagues salaces), elle travailla. Elle réalisa ce qu'ils lui demandaient...

Toujours droguée, il était difficile pour elle de différencier réalité et fantasmes. Elle crû même voir certains de ses amis jouer le rôle de ses tortionnaires, la forçant à boire de nouvelles drogues...

"Comment va-t-elle ?"

Les voix étaient familières.

"Son corps est guéri. Mais son esprit... Il n'y rien de plus que je puisse faire, il lui faut du repos."

Encore une ruse démoniaque. Les voix ressemblait à celles de ses amies. Elle essaya d'ouvrir un œil...

Après presque une semaine de surveillance, Olaf avait commencé à penser que son intuition, d'ordinaire fiable, avait fini par le lâcher. L'ambassadeur Koltran avait visiblement fait profil bas, tout en renforçant sa garde rapprochée de capitaines Sombrefer membres du corps d'élite protégeant habituellement le roi Thaurrisan, rien que ça...

Aucun contact avec Blackjack ou l'un de ses sbires, rien qui ne puisse envenimer les relations diplomatiques avec les Bronzebeard, aucun déplacement suspect.

Il allait laisser tomber sa surveillance quand le dignitaire Sombrefer fit venir discrètement dans ses appartements un homme que la Grise Lame avait déjà eu comme concurrent direct: Will "Deux vestes" Mc Steel, espion, voleur, et parfois assassin de son état. S'il n'était pas une grande menace, Will était probablement le nain le moins digne de confiance qu'Olaf ai jamais rencontré.

"Les affaires reprennent", pensa-t-il. Il sortit de sa cachette en grimaçant (5 jours de veille sans pouvoir bouger laissent des séquelles sur vos articulations), et se mit en position pour filer Mc Steel quand il sortirait des quartiers plénipotentiaires.

***

William Mc Steel était un nain rusé. De son avis, en tout cas. Il se savait surveillé de près par la Garde d'Ironforge, aussi il n'entrait ni de sortait jamais de la ville sans un bon déguisement. Collant minutieusement un toupet ocre sur son crâne chauve, il admira son reflet dans le miroir de sa chambre.

"Beau gosse !" fît-il en pointant du doigt son double, un sourire aux lèvres. Il prit sa hache, et sortit en sifflotant. Dans le même mouvement, Olaf sortit, lui, de l'ombre, affichant une mine consternée. "L'espionnage révèle parfois des choses qu'on préférerait ne pas connaitre", fît-il dans un souffle, avisant les vêtements épars dans la pièce, dont bon nombre étaient féminins.

***

Ce wyrmide n'inspirait pas confiance à Will. Et pour cause, tout ce qui dépassait les deux mètres de hauteur n'inspirait pas confiance à Will. Mais comme il était un messager consciencieux (et qu'il avait grandement besoin de l'or qu'on lui avait promis), il entra dans la grotte.

"Ahem ! Bonjour, ami draconien, je suis Will Mc Steel, je suis envoyé par un ami à vous !" Lança-t-il en saluant de la main le colosse noir. Ce dernier tourna une tête maussade dans sa direction, soupirant de colère contenue.

"Que me veux-tu, avorton ?
_ Koltran m'envoie. J'ai un document pour vous." Il tendit une pochette de cuir au mastodonte.

Dépliant le document avec une délicatesse surprenante pour un être de sa taille, le wyrmide pivota sur ses quatre membres inférieurs massifs, tournant le dos au nain. Il lut, puis éclata de rire.

"Hum... de bonnes nouvelles ?" s'enquît ce dernier, imaginant déjà un bon pourboire.

"Quelle charmante attention." gronda le draconide en se retournant. "Un amuse-gueule comme avance sur salaire, j'adore l'idée, les Sombrefers sont si courtois."

Will "Deux-vestes" Mc Steel perdit son sourire en voyant celui, carnassier, de son vis-à-vis. Il n'aurait plus jamais l'occasion de mériter ce surnom, hérité d'un long passé de tourne-casaque qui lui avait permis de rester en vie... jusqu'ici.

A l'entrée de la grotte, dans l'ombre, la Grise-Lame se dit qu'il lui faudrait beaucoup de courtoisie pour obtenir du wyrmide les informations qu'il voulait.

"Mais d’abord, je vais le laisser finir son dîner. Adieu, Will..." Chuchota-t-il, grinçant des dents en entendant le carnage en cours.